Français, Homélies

Dimanche du Publicain et du Pharisien

Ne prions pas à la manière du Pharisien, car celui qui s’élève devra s’humilier; humilions-nous plutôt devant Dieu, à la manière du Publicain, et disons comme lui: Seigneur, aie pitié du pécheur que je suis.

C’est par ces mots que débute le Triode du Carême, le livre liturgique qui nous accompagnera tout au long de la période de préparation à la fête de Pâques, nous invitant à la prière. La prière est une activité à la fois naturelle et difficile. Naturelle, puisqu’elle est au dire de saint Jean Climaque la «conversation de l’homme avec Dieu». Quoi de plus naturel, en effet, pour une créature que de s’entretenir avec son Créateur. Mais elle est à la fois difficile, car beaucoup de choses dans notre vie nous détournent de Dieu, et pour cette raison, la prière nécessite de notre part beaucoup d’efforts.

Pour nous enseigner quelle est la vraie prière, celle qui est agréable à Dieu, l’Église nous propose dans la lecture évangélique de ce dimanche la comparaison entre deux personnages qui s’appliquent à la prière. En soi, tous deux sont dignes de louanges: tous deux ont trouvé du temps pour la prière, tous deux se sont efforcés de venir au Temple, tous deux s’adonnent à la prière, ce qui n’est malheureusement pas toujours notre cas.

Or, l’évangile nous dit que l’un «descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre» (Lc 18, 14). A notre grande surprise, ce n’est pas le plus vertueux, celui qui pratiquait une vie religieuse exemplaire et la justice – celui qui jeûnait deux fois par semaine, celui donnait la dîme aux pauvres – des choses tout à fait honorables et dignes d’admiration, mais le publicain, c’est-à-dire un collecteur d’impôts, celui qui était considéré de tous comme un voleur ou du moins quelqu’un qui était souvent injuste et ne menait pas une vie très honnête.

La morale de cette parabole est que Dieu aime une prière humble

La morale de cette parabole est que Dieu aime une prière humble. Le but de la prière n’est pas de se glorifier soi-même en rendant grâce à Dieu, comme le Publicain qui remercie Dieu de ne pas être un ravisseur, injuste, ou adultère. Le but de la prière est de se reconnaître tout petit devant Dieu, impuissant, et enfin, se considérer comme «le serviteur inutile» d’une autre parabole évangélique, puisque «nous n’avons fait que ce que nous devions faire» (Lc 17, 10), rien de plus. De ce fait, nous n’avons nul mérite. A la différence du pharisien qui se vantait de sa rectitude, le publicain priait humblement, en se reconnaissant pécheur par cette formule très brève, mais qui dit tout: «Seigneur, aie pitié de moi, pécheur!»

Comme nous l’explique saint Jean Chrysostome, «pour avoir fait preuve d’humilité, le publicain a été justifié, […] et il s’en allait le cœur renouvelé d’une justice retrouvée» (Homélie sur la conversion). Car comme le conclut notre Seigneur dans la parabole d’aujourd’hui, «quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé» (Lc 18, 14). L’humilité est donc la vertu première que nous devons acquérir et cultiver si nous désirons plaire à Dieu. Pour cela, il faut combattre l’orgueil qui nous est si caractéristique.

Il faut combattre l’orgueil qui nous est si caractéristique

Selon saint Jean Chrysostome, «c’est l’orgueil qui est le principe de tous les vices, la source féconde de tous les désordres, le foyer où s’allument les passions qui nous entrainent dans notre ruine. L’orgueil est donc le père de tous les maux qui affligent l’espèce humaine» (Homélies sur Ozias). Or, quelle tristesse de constater que la société de consommation dans laquelle nous vivons est construite sur cet orgueil, qui nous insite à nous comparer sans cesse à nos concitoyens, que ce soit dans nos richesses, nos talents, notre intelligence ou tout simplement dans la réussite de notre carrière professionnelle. Quelle dommage que l’exploitation effrenée des biens naturels se fasse si souvent dans une vision orgueilleuse de l’homme ayant tous les droits sur la création, et ce de manière illimitée, en ignorant la plupart du temps les plus démunis et les plus nécessiteux.

Mais à côté de cet orgueil mondain, si caractéristique de notre société contemporaine, il existe aussi un orgueil religieux, équivalent au pharisaïsme du judaïsme, si souvent condamné par notre Seigneur dans les évangiles. Notre Seigneur n’hésitait pas à critiquer la piété ostentatoire et le formalisme hypocrite du parti religieux des pharisiens. Or, c’est sans doute à cause de cette ostention et de cette hypocrisie que la prière du pharisien ne plut pas à Dieu dans l’évangile d’aujourd’hui.

Notre devoir, en tant que chrétiens orthodoxes, est de fuir l’orgueil et l’hypocrisie, en veillant constamment à ce que l’orthodoxie de notre foi soit toujours conforme à l’orthopraxie de nos actes

Les chrétiens orthodoxes ne sont pas exempts de ce pharisaïsme lorqu’ils prétendent de manière ostentatoire être les plus vertueux ou les plus droits des chrétiens. Ceci est encore plus triste lorsque cette ostention est accompagnée d’une hypocrisie où la mise en pratique des commandements de l’évangile se trouve en contradiction avec les paroles affirmées. Notre devoir, en tant que chrétiens orthodoxes, est de fuir l’orgueil et l’hypocrisie, en veillant constamment à ce que l’orthodoxie de notre foi soit toujours conforme à l’orthopraxie de nos actes.

Dans cette perspective, l’Église, nous invitant aujourd’hui au revouveau sprirituel par l’ascèse du jeûne et de la prière, nous rappelle que cette ascèse ne doit surtout pas être entreprise de manière ostentatoire et encore moins hypocrite. L’humilité que nous devons acquérir et cultiver dans notre vie commence par la reconnaissance de notre état de pécheur et de notre petitesse devant Dieu. Ce n’est qu’à partir de ce moment que Dieu pourra accomplir des merveilles dans notre vie, puisque «la puissance de Dieu s’accomplit dans la faiblesse» (2 Co 12, 9), comme nous le rappelle le saint apôtre Paul.

C’est donc en nous abaissant, en mettant de côté notre orgueil et notre hypocrisie, en imitant l’humilité de publicain, qui à la suite du prophète David s’écriait: «Aie pitié de moi, ô Dieu, en ta grande miséricorde», que nous serons relevés par Dieu et participer à la vie divine dans le Royaume de Dieu qui nous a été préparés et où revient gloire et adoration au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Amen.

Archevêque Job de Telmessos

Standard

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *