En ce sixième dimanche après la Pentecôte, nous poursuivons notre lecture de l’évangile selon Matthieu. Nous venons d’entendre le récit de guérison d’un paralytique (Mt 9, 1-8). Ce miracle est accompli par notre Seigneur dans sa ville nous dit l’évangéliste Matthieu, faisant sans doute référence à Capharnaüm, le centre de son activité missionnaire. Nous retrouvons le même miracle dans les deux autres évangiles synoptiques (Mc 2, 1-12 et Lc 5, 17-26) qui décrivent l’épisode avec beaucoup plus de détails, soulignant par exemple, à la différence de Matthieu, que le paralytique fut descendu par le toit pour être présenté à notre Seigneur. C’est ce passage qui est lu à la Divine Liturgie le deuxième dimanche du Carême. Par ailleurs, saint Jean le Théologien, dans son évangile davantage théologique, nous raconte la guérison du paralytique de la piscine de Bethesda (Jn 5, 1-18), récit qui est lu le quatrième dimanche de Pâques.
La guérison d’un paralytique est un des nombreux miracles effectués par notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ qui symbolise dans le langage biblique la guérison qu’Il apporte à nos âmes, la guérison du péché. Il est important de rappeler que l’Évangile en tant que tel n’est ni un livre doctrinal, ni un livre philosophique, ni un livre de morale. La majorité des récits qui composent l’Évangile sont des récits de guérison. Tout au long de sa mission terrestre, notre Seigneur en tant que Dieu incarné, en tant que Fils de Dieu devenu fils de l’homme, a multiplié les signes montrant que le salut est donné par sa venue. Or, le salut est précisément présenté par les Évangiles comme la guérison de l’âme et du corps par notre Seigneur qui est notre médecin spirituel.
Le salut est précisément présenté par les Évangiles comme la guérison de l’âme et du corps par notre Seigneur qui est notre médecin spirituel
Dans l’évangile d’aujourd’hui, le saint apôtre et évangéliste Matthieu se distingue par la sobriété de sa description en insistant sur des aspects doctrinaux fondamentaux. Tout d’abord, remarquons que le miracle a lieu en Galilée qui était le carrefour des païens. Cela signifie que le salut apporté par notre Seigneur est annoncé non seulement au peuple juif, mais aussi aux païens. L’évangéliste souligne ainsi l’universalité du salut apporté à l’humanité par le Fils de Dieu.
Ensuite, saint Matthieu insiste sur la foi qui est le présupposé de la guérison et donc du salut : « Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique: Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés » (Mt 9, 2). Dans tous les récits de guérison que nous lisons dans l’Évangile, la foi est toujours soulignée et mise en valeur. Dans chaque miracle, la foi est nécessaire non seulement pour l’obtention d’une guérison miraculeuse, mais aussi pour la guérison spirituelle du pécheur à qui notre Sauveur accorde la rémission des péchés.
La foi est nécessaire non seulement pour l’obtention d’une guérison miraculeuse, mais aussi pour la guérison spirituelle du pécheur à qui notre Sauveur accorde la rémission des péchés
Dans la péricope d’aujourd’hui, la guérison du paralytique est un signe très explicite puisque la guérison est à la fois physique et spirituelle. Mais le salut donné par Dieu passe aussi par des médiations humaines. Le paralytique est porté vers le Christ. Si le paralytique n’avait pas été amené à Jésus par des porteurs, il n’aurait pas eu la possibilité d’être guéri et pardonné. Le paralytique de la piscine de Béthesda ne se plaignait-il pas de son côté de n’avoir pas d’homme pour l’aider à guérir (Jn 5, 7) ? Nous pouvons y voir le rôle de la communauté qu’est l’Église. Pour recevoir le salut, nous devons être amenés à l’Église par nos parrains qui se portent garant de notre baptême. Sans le baptême et les sacrements de l’Église, nous ne pouvons acquérir de Dieu la grâce qui nécessaire pour notre salut.
Par la controverse qui naît de ce miracle parmi les scribes présents qui reprochait à notre Seigneur de blasphémer en accordant le pardon des péchés, ce que seul Dieu peut faire, le saint évangéliste Matthieu veut souligner que Jésus-Christ est véritablement le Fils de Dieu devenu fils de l’homme : « Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison » (Mt 9, 6). Ainsi donc, en tant que Dieu fait chair, notre Seigneur Jésus-Christ a le pouvoir non seulement d’opérer des guérisons, mais aussi de pardonner les péchés.
La désignation du Christ comme le Fils de l’homme dans l’évangile fait référence à la prophétie de Daniel qui avait prédit : « Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit » (Dn 7, 13-14). C’est cette prophétie qui est à la base de nombreux passages évangéliques qui présente notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ comme le Fils de l’homme. Lui-même s’identifie en tant que tel, lorsqu’il affirme plus loin dans l’évangile de Matthieu : « je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel » (Mt 26, 64).
Chaque récit de guérison dans l’Évangile est un signe qui nous révèle le mystère de la personne du Christ
Le pouvoir du Fils de l’homme, du Dieu incarné, est donc celui de pardonner les péchés. Chaque récit de guérison dans l’Évangile est un signe qui nous révèle le mystère de la personne du Christ, qui nous dévoile sa véritable identité. Lui-même, suite à ces miracles, invitait ses disciples à aller rapporter à saint Jean le Précurseur : « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11, 5).
Ce récit de guérison illustrant le salut de l’humanité par le Christ se conclut d’une manière très brève et nette : « Quand la foule vit cela, elle fut saisie de crainte, et elle glorifia Dieu, qui a donné aux hommes un tel pouvoir » (Mt 9, 8). Quel est donc ce pouvoir accordé aux hommes ? Ce passage est à rapprocher des paroles du Christ à ses apôtres dans la conclusion de l’évangile de Matthieu : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 18-19).
Le mystère du salut réalisé en la personne du Christ, qui consiste en la guérison de l’humanité tout entière, se réalise dans l’Église : d’une part par les sacrements institués par le Christ lui-même pour notre salut, et d’autre part par la hiérarchie ecclésiastique qu’Il a établie
La conclusion à retenir du passage de ce dimanche est donc que le mystère du salut réalisé en la personne du Christ, qui consiste en la guérison de l’humanité tout entière, se réalise dans l’Église : d’une part par les sacrements institués par le Christ lui-même pour notre salut, et d’autre part par la hiérarchie ecclésiastique qu’Il a établie. Personne ne peut trouver le salut lui-même, par lui-même, d’une manière individuelle. Pour gagner le salut, nous avons tous besoin de l’Église. Nous avons besoin des sacrements de l’Église. Nous avons besoin des prêtres et des évêques de l’Église. Saint Syméon de Thessalonique, dans son homélie sur le sacerdoce, enjoint les fidèles de l’Église à respecter les prêtres, car dit-il, nous avons besoin des prêtres, car sans eux, il n’y aurait aucun sacrement, et donc notre salut ne serait pas possible.
En ce dimanche, par cette Divine Liturgie, rendons une digne action de grâce au Seigneur pour le mystère du salut qu’Il a accompli. Rendons-lui grâce pour l’Église qu’Il a établi ici sur terre comme son Corps mystique afin que se perpétue le mystère de notre salut. Rendons-lui grâce, pour les sacrements qu’Il a institués et grâce auxquels nous puisons la grâce divine nécessaire pour notre salut. Rendons-lui grâce pour les prêtres et les évêques qu’il a établi dans l’Église comme ses serviteurs et les dispensateurs de cette grâce. A Lui, le médecin des âmes et des corps, notre Seigneur et Sauveur, gloire, honneur et adoration dans les siècles des siècles. Amen.
— Archevêque Job de Telmessos